Travail du jeune cheval pour lui donner des bases solides | Isa Danne

Le jeune cheval (ou le cheval non éduqué) est sur les épaules principalement avec une dysmétrie prononcée (c’est-dire plus de poids sur une des deux épaules et donc moins de poids sur une des deux hanches/postérieur). Lorsque l’on va ajouter un poids sur son dos, cela n’arrangera pas les choses. Ce n’est pas parce qu’un cheval vous porte (ils sont forts), qu’il le fait avec son dos, qu’il le fait dans l’équilibre adéquat !
La base du travail d’un jeune cheval déterminera toute sa vie de cheval de selle, c’est pourquoi il faut y apporter un soin tout particulier.
Voici comment je les prépare (tout ce travail peut être exécuté à deux personnes si besoin) une fois le débourrage terminé.

En longe et licol sur la piste (à l’épaule)

En tout premier lieu, je fais un travail en longe et licol pour installer les premiers codes, vocaux et de contacts, qui permettront, une fois en selle, d’être le plus précis possible et ne pas générer des incompréhensions qui peuvent parfois mener jusqu’à la rétivité passagère ou durable !
Je vais l’inviter à me suivre au pas, si besoin est, j’utilise des carottes puis le stick (attention, généralement à ce stade ils y sont très sensible), puis à donner des arrêts (même procédé que dans le travail en filet sur la piste). Ensuite je lui apprendrais à reculer en m’aidant de ma main sur le poitrail.
Ne faites pas l’erreur d’opposer vos mains à vos demandes de mouvement en avant.

En longe sur le cercle

La première demande est le mouvement en avant au pas sur le cercle. Il faut leur laisser l’opportunité de vraiment exprimer leur énergie en avant, ne pas les retenir (donc cela sous-entend un endroit adapté : rond de longe ou petit manège). Si le cheval explose au galop ce n’est pas un problème tant qu’il est sur le cercle et ne se mets pas en danger (attention qu’il ne glisse pas ou ne se fauche). Vous pouvez vous placer en avant de votre cheval pour lui couper la route si nécessaire (attention tout de même aux demi-tours). Faites lui retrouver le calme patiemment.

Ensuite, des transitions simples : pas-arrêt, puis trot-pas-arrêt, etc. il faut passer d’une phase à l’autre uniquement si le cheval a compris la phase antérieure.
Je m’attelle aussi rapidement aux premières mobilisations des postérieurs au pas, je fais une rêne d’ouverture avec la longe (le cheval sur un petit cercle au pas autour de vous) et je mets suffisamment de pli à l’intérieur pour que cela provoque le « croisement » (croisement et engagement, voir en fin d’article) du postérieur intérieur vers l’extérieur. Attention que ce ne soit pas juste du dérapage vers l’extérieur, il faut bien vérifier que le postérieur intérieur marche vers l’avant et vers l’épaule extérieur, si ce n’est pas le cas tentez la longe vers l’avant pour l’aide a marcher devant lui. Il faut apporter le plus grand soin à ces exercices, qu’ils soient obtenus sans stress, soyez exigeants mais à la hauteur de la maturité de votre cheval.

En filet à pied

Sur la piste, l’arrêt est une priorité. Le demander sur un très léger contact (surtout pas de traction, posez vos mains sur le cheval si nécessaire, il ne faut pas que la main recule ou tire).

J’ai une précision toute particulière à ce sujet : il faut dès le début ne pas tirer, cela veut dire que lorsque les premiers arrêts sont demandés, il faut anticiper l’incompréhension du poulain en vous plaçant près d’un mur. Vous allez prendre votre petit, léger contact, sans exiger l’arrêt immédiat. Soit l’arrêt est obtenu rapidement et c’est parfait, vous lâchez les rênes et récompensez (votre cheval est à l’écoute), soit ce n’est pas le cas (rien de grave) mais le mur n’étant pas loin l’arrêt sera quand même obtenu quoi qu’il se passe, face au mur (vous pourrez donc récompenser), vous pouvez aussi tenir les rênes dans une main et poser l’autre main sur le poitrail pour aider à obtenir l’arrêt. Petit à petit, le cheval comprendra que votre main réclame l’arrêt et vous le donnera de plus en plus vite, cela sans avoir dû tirer, fourvoyant la bouche et la compréhension que le cheval a de votre main.

Si ce travail a été bien mené, vous pourrez très facilement obtenir un ou deux pas de reculer à la suite de votre arrêt juste en conservant le contact au lieu de lâcher les rênes sur l’arrêt pour le récompenser, mais attention il faut que la transition pas arrêt soit bien comprise.
Ensuite, je commence la mobilisation des postérieurs en contre-épaule en dedans sur la piste, je me place entre le cheval et le mur, mets un pli vers le mur, cela provoque le croisement du postérieur extérieur vers l’intérieur. Attention à vous, en terme de placement de votre corps, aussi, suivez bien votre cheval. Je vois très souvent des cavaliers qui laissent le cheval les traîner, car ils se tiennent aux rênes (et oui, même à pied, on peut se tenir aux rênes, ce qui est absolument préjudiciable).
Demandez le au pas, tranquillement, avec toujours des pauses dès l’obtention d’une bonne réponse. N’allez pas trop vite dans la durée de l’exercice, répétez le mais à petites doses.

Vous pourrez aussi travailler sur un petit cercle l’exercice vu en longe, pli intérieur, croisement du postérieur intérieur vers l’extérieur.
Je me dois de préciser maintenant une chose très importante pour les exercices de gymnastique : à ce stade, il est évident que lorsque le poulain croise ses postérieurs, il va le faire en reportant du poids sur l’épaule opposée, ce n’est pas un problème, ces exercices avec du pli, beaucoup de pli même parfois, vont avoir pour but plusieurs choses : l’étirement (indispensable), le croisement d’un postérieur (permettra de valoriser la jambe fine quand vous serrez à cheval), le poids qui va aller sur l’épaule opposée. Le but de ce chemin se révélera à vous quand, une fois cette phase stabilisée et assimilée par votre cheval, vous monterez un palier au dessus. Ce pli vous offrira sur un plateau la rêne régulatrice et la jambe intérieure qui sont les clés du rassembler !

A cheval

Il ne vous reste plus qu’à reprendre ces exercices dans un ordre logique. Encore une fois, si cela a été bien mené, les réponses doivent être faciles à obtenir, si ce n’était pas le cas retournez au début pour renforcer ce qui n’a pas été compris.
Et veillez à ne pas être le responsable de cette incompréhension c’est le cas très souvent ! Mains top dures, mauvaise position, jambes collées et contractées, etc.
Je commencerai sur la piste par les exercices de transitions, reculer compris. Faites d’abord des pas-arrêts, puis des trot-pas-arrêts, des trot-arrêts (si le cheval a compris, il vous les donnera très facilement sans s’accrocher à la main) à vous de sentir ce dont il est capable, ne le forcez pas en brûlant les étapes. Ayez toujours dans l’idée qu’il faut avancer prudemment pour ne pas créer d’incompréhension ! Il vaut mieux faire dix séances pour renforcer un acquis que de vouloir tout faire et faire une bêtise.

Ensuite, vous pouvez commencer les contre-épaules en dedans sur la piste (demandez les de la même manière qu’à pied, c’est-à-dire avec la rêne d’ouverture, le pli et une très légère jambe intérieure). Ce qui vous donnera la bonne réponse au début c’est le pli donc surtout ne mettez pas votre jambe intérieur en imaginant le pousser à son opposée sinon vous commencerez le cercle vicieux du cheval qui devient résistant aux jambes (85 % des chevaux sont résistants). La clé c’est le pli et stick (gentil ça peut être juste une touche) si le moteur cale un peu.
Puis sur le cercle, demandez le croisement du postérieur intérieur vers l’extérieur (avec le pli).

Pour les départs au galop, que je demande rarement sur les premières séances, je les obtiens à partir de la contre-épaule en dedans : elle vous donnera des départs sur le bon pied, elle canalisera le galop aussi, et renforcera le départ venant de derrière au lieu d’avoir un cheval qui se jette sur les épaules , il sera temps plus tard de redresser votre cheval. Ne galopez pas trop longtemps, faites plutôt des départs puis transitions. Ajoutez des foulées quand vous avez le sentiment que les départs sont corrects, et que les chevaux restent avec vous, sans vouloir courir à fond vers l’avant (et donc sur les épaules). Si vous avez le cas d’un cheval qui n’avance pas ou transitionne tout seul alors là, oui, demandez lui de faire un tour complet de manège par exemple.

Une note pour l’utilisation du pli
Il est très important de le faire à ce stade en rêne d’ouverture. Ne compensez pas le manque de réponse à votre jambe intérieure avec la rêne intérieure en la croisant vers l’extérieur pour mettre le poids à l’extérieur car cela compromettra votre future rêne régulatrice, l’utilisation de votre jambe intérieure et ainsi le rassembler.

Attention, j’ai pris le parti de ne pas utiliser le stick dans les travaux de gymnastique pour pousser les hanches ou épaules. C’est uniquement pour demander le mouvement en avant, l’impulsion c’est-à-dire quand on demande du mouvement avec une légère pression des deux mollets.

Ce choix a été mûri après de nombreuses expériences. Il faut aussi que vous gardiez en tête que cette manière de faire vous obligera à maîtriser vos jambes. Puisque le pli vous donnera le postérieur de votre choix, alors mettez votre jambe au plus fin, comme si vous étiez sur un cheval dressé et très sensible. Il ne répondra pas à votre jambe au début, ce qui est normal, mais à force de répéter l’exercice en obtenant la réponse tout de même grâce au pli, la jambe « légère » aura eu le temps de prendre toute sa valeur et votre cheval sera si fin que le bonheur sera tout proche ! La légèreté d’une équitation commence la, ensuite elle s’affinera encore par le travail et surtout la maîtrise et le contrôle d’un équilibre de plus en plus précis.

Je m’explique sur ce choix : un cheval qui n’est pas dans le bon équilibre, ce qui est forcément le cas du poulain (et à tous les chevaux non éduqués… en réalité le plus grand nombre !), ne pourra pas ou mal mobiliser latéralement ses postérieurs, ses hanches, son corps. C’est pourquoi il est irraisonnable qu’un cavalier exige, à coup de stick voire d’éperons, une réponse que le cheval ne peut mécaniquement pas donner dans la légèreté puisque son équilibre ne le lui permet pas encore !

Ce sera peut être l’objet d’un autre article mais tout de même il est nécessaire de le rappeler n’obligez pas vos chevaux a tendre l’encolure vers le bas ou a fermer l’angle tête encolure pour les mette « sur la main » laissez les dans un équilibre ou la nuque est plus ou moins à hauteur du garrot.