Marie-Laure Hervé, la mine élégante

Garrocha : acrylique sur support bois.
Garrocha, acrylique sur support bois.

Marie-Laure Hervé

Artiste française à la mine bien affûtée, les oeuvres de Marie-Laure Hervé sont énergiques et semblent nous transporter directement en péninsule ibérique. C’est avec un grand plaisir, que l’artiste et cavalière nous a accordé un entretien.

On trouve peu d’informations sur votre parcours de cavalière et d’artiste, pouvez-nous nous en dire plus ?

Amateur(e) dans les deux disciplines, je n’ai pratiqué que très peu, tant en compétition et qu’en exposition.
Les chevaux et le dessin sont intimement liés. Petite, les chevaux me faisaient déjà rêver et j’ai remplis mes cahiers bien avant de pouvoir monter.
Plus tard, frustrée de ne pouvoir consacrer ma vie professionnelle auprès des chevaux, j’ai arrêté de monter près de 10 ans, pensant que l’éloignement « atténuerait » le manque. Durant cette période, j’ai continué de dessiner…

Puis, une belle rencontre avec des artisans potiers m’a offert l’opportunité de découvrir le modelage, la sculpture. Les terres, les émaux et jusqu’au bronze ouvraient encore de multiples horizons, toujours tournés vers les chevaux. Autant de textures, d’effets, et de techniques continuant d’alimenter ma volonté de traduire ma fascination pour cet animal si sensible, si expressif.

Otello (sculpture), grès émaillé noir.
Otello (sculpture), grès émaillé noir.
Bronze, cire perdue.
Bronze, cire perdue.
Campo, Raku, émail.
Campo, Raku, émail.

Finalement, plus j’essayais de les oublier, plus le bruit des sabots revenait… au galop.

Les événements aussi nous rappellent notre vulnérabilité et, malgré tout, avoir une passion est une chance et un équilibre de vie. Pas le choix, « pour rester droit dans ses bottes » : retour en selle, fascinée plus que jamais par la noblesse, l’énergie et le regard des chevaux.

Mon parcours de cavalière « de club » ressemble sûrement à beaucoup d’autres : l’heure de « reprise » si attendue, si courte. Je ne pouvais entretenir qu’une relation bien superficielle avec ces merveilleux et respectueux maîtres d’école. Leur tolérance et leur générosité sont si peu récompensées. Je nourrissais une affection particulière, mêlée d’angoisse et de fascination, pour certains chevaux, réputés plus « difficiles » ou moins « résignés », peu compris, sûrement par « manque de temps ».

A l’aube de mes quarante ans, je me suis dis qu’il était temps de réaliser mon rêve. Hasard… ou pas… Cereja a déboulé dans mon quotidien, chamboulant au passage ma vie de cavalière.
Mes expériences précédentes ne m’ont semblé d’aucune utilité face à la sensibilité de cette petite portugaise, inadaptée à la vie « de club ». Nos débuts difficiles m’ont conduit à changer de cap. Oublier le « Graal », les rêves de petits galops chaloupés, s’approcher des gravures des livres… Tout bascule, rien ne marche, et, surtout, le déchirement de constater que « son » cheval est « mal ». Totalement démunie, le moral au fond des chaps, c’était « vendre » ou « apprendre »… Je voulais comprendre ! Il fallait bouger : d’autres rencontres, d’autres horizons… Grâce à elle, la remise en question est quotidienne et permanente : reprendre confiance, me décontracter, trouver l’équilibre, essayer de sentir, se centrer, chercher… toujours, encore et encore, inlassablement.

Inconsciemment, je crois que cette quête fait évoluer le trait et se traduit dans mes dessins : les expressions, la morphologie, une position de la nuque, les flexions, l’abaissement des hanches, le rassembler – même si, peut être, pour l’instant, je ne peux y prétendre à cheval – j’essaie au moins d’esquisser un geste juste. Même si parfois, je « triche » un peu pour accentuer le mouvement… toujours un peu « typé » ibérique… Lusitanien, quand tu nous tiens !!!

Croquis de manège, acrylique sur support bois.
Croquis de manège, acrylique sur support bois.

Quels types de travaux réalisez-vous ? Avez-vous des techniques de prédilection ?

Une simple mine graphite me suffit le plus souvent, relevés parfois de quelques touches d’acrylique pour trouver le sens de la lumière.

Les petits poulains Teixeira Da Costa, mine graphite, acrylique sur support bois.
Les petits poulains Teixeira Da Costa, mine graphite, acrylique sur support bois.
Le chat, acrylique sur support bois.
Le chat, acrylique sur support bois.

Le bois est un support que j’utilise beaucoup. Matériau simple et naturel, il fait partie de l’univers équestre. Ses nuances douces et chaudes, souvent variées se prêtent aux chevaux (et évite l’angoisse de la page blanche 😉 ).
Pour une fresque dans un manège ou pour une décoration intérieure, j’opte pour un morceau de charbon, un fusain, de la craie, des pastels secs, cela me permet plus de liberté sur les grandes surfaces, (tout en faisant un petit clin d’œil aux premiers artistes de la préhistoire).
Pour les illustrations, l’encre offre sa légèreté et sa transparence au papier.
N’ayant jamais pris de cours, je ne me suis jamais aventurée « dans l’huile ». Peut être aussi que les techniques plus spontanées me conviennent davantage.

Vos travaux semblent inspirés de l’équitation de travail ibérique, qu’est ce qu’il vous plaît dans cette équitation ?

Je préférerai parler de chevaux avant d’équitation. On ne peut qu’être fascinée par l’expression, l’élégance du geste des ibériques. La garrocha apporte aussi parfois un côté surprenant et une touche très graphique à certaines compositions.

Campinos, encre, mine graphite, pastel sec sur support bois.
Campinos, encre, mine graphite, pastel sec sur support bois.

J’accompagne parfois également, de temps en temps, mes amis lors de concours d’équitation de travail… J’en profite pour saisir quelques mouvements entre deux encouragements.

Se rendre à Golega, la foire nationale du cheval lusitanien au Portugal, est l’occasion d’en prendre plein les yeux. La noblesse stoïque des entiers au milieu de la foule, l’élégance et la fierté des cavaliers toutes générations confondues. Tous sont parés pour parader sur la manga, drapés par volutes des châtaignes grillées. Quelques rejoneadors venus d’Espagne sont venus défier, au fond du grand manège, les ténors des carrés de dressage. Les présentations des jeunes chevaux prometteurs : ils sont beaux et ils le savent. Chaque coin de rue, chaque instant est pour moi un tableau vivant. C’est le temple du cheval artiste, j’aime m’y replonger du fond de mon petit atelier.

Je pense que l’on s’inspire de tout ce que l’on voit mais surtout de ce qui nous émeut.
Pas seulement les chevaux mais également les hommes de chevaux, des « Personnages » patients et bienveillants. Leurs regards, leurs paroles rassurent, accompagnent et résonnent tout au long du « parcours ».
Je les remercie.

Un « simple » moment du quotidien… le pansage présente à lui seul un moment privilégié, prélude à tout travail « monté » ou « dessiné ». L’occasion d’échanger : « comment vas-tu aujourd’hui ? » ou encore « laisse moi regarder – comment s’est fait ce tendon ? »…

Cereja.
Cereja.
La douche II, encre, acrylique sur support bois.
La douche II, encre, acrylique sur support bois.

Chacun de mes dessins est le brouillon du prochain.

Inlassablement, à cheval, ou derrière un chevalet, la quête reste la même : équilibre, harmonie et émotion… Chercher, passionnément, encore et encore.

Trio liberté, acrylique sur support bois stratifié.
Trio liberté, acrylique sur support bois stratifié.