Dans la nature, les animaux ont des comportements de vermifugation naturelle : certains singes enroulent une feuille qu’ils choisissent avec soin afin d’agripper les vers dans l’intestin, d’autres ingèrent des plantes spécifiques afin de les intoxiquer.
Pour lutter contre les parasites externes, certaines espèces décident se badigeonner de poison (les lémures macao mordillent des scolopendres afin d’étaler sur leurs poils le venin secrété par l’animal) ou de plantes fortes (le hérisson peut prendre de la menthe qu’il s’étale sur le corps pour faire fuir les parasites). Autre exemple non lié au parasitisme : celui des perroquets qui vont prélever une argile particulière afin de réguler les toxines ingérées dans leur alimentation.
Les animaux ont donc compris que la nature met à leur disposition bon nombre de remèdes et qui sont désormais eux-mêmes scrutés par les entreprises pharmaceutiques.
Pour nos chevaux, c’est plus compliqué, car ils vivent en général dans des environnements peu diversifiés et clôturés.

Résistance
Il est normal que les chevaux hébergent des parasites digestifs, c’est seulement lorsque le nombre de parasites dépasse un certain seuil qu’il est question de surparasitisme.
Le surparasitisme peut entraîner la mort du cheval en bouchant notamment les intestins.
Pour éviter cela, nous vermifugeons nos chevaux afin de maintenir la population de vers à seuil acceptable.
Malheureusement, tout comme c’est le cas avec les antibiotiques, les parasites sont devenus résistants aux molécules utilisées.
En effet, les vermicides favorisent la sélection des individus forts, car seuls les faibles sont éliminés. Les vers les plus forts survivent et transmettent alors leur résistance aux générations suivantes.
Plus nous utilisons de vermicides, plus nous augmentons ce phénomène. Cette résistance est si importante que la rotation des molécules n’a presque plus d’efficacité.
Les résistances sont principalement localisées sur les petits strongles, la moxidectine et l’ivermectine arrivent encore à les réguler, mais les molécules de la famille des benzimidazoles sont de moins en moins efficaces.
Enfin, l’utilisation de ces traitements a un impact non négligeable sur le microbiote intestinal : en mourant les parasites produisent des toxines qui peuvent tuer les micro-organismes vivants dans l’intestin.
L’enjeu n’est donc plus d’utiliser des traitements à l’aveugle, mais de prévenir les infestations et de cibler plus précisément les individus touchés.
Vermifugation raisonnée
Le surparasitisme cible le plus souvent les chevaux affaiblis (jeunes, vieux, malades, stressés, etc.), les chevaux ont donc des seuils d’infestation différents.
A savoir :
- 80% des parasites sont localisés dans l’environnement,
- dans un groupe de chevaux, 20% des individus abritent 80% des parasites,
- les chevaux dominés sont plus parasités que les dominants : une hypothèse est un meilleur accès à la nourriture des dominants et la relégation des dominés sur des zones de refus plus infestées de larves ; on a aussi constaté que les individus les plus « sociables » sont moins parasités. Ces données préliminaires sont à confirmer sur un plus grand nombre d’animaux,
- les chevaux au box sont moins exposés.
Si 80% des parasites se situent à l’extérieur du cheval et que 20% des individus hébergent 80% des parasites du groupe, cela veut dire qu’il faut gérer principalement l’environnement et cibler les individus touchés.
Les stratégies recommandent donc :
- de ramasser les crottins afin de casser le cycle de reproduction des parasites,
- d’éviter le surpâturage,
- de privilégier le pâturage inter-espèces, de broyer les refus et d’éviter les zones humides,
- d’établir des traitements personnalisés et donc, ne pas traiter les chevaux,
- de vermifuger surtout pendant les périodes à risques : au printemps et à l’automne, l’hiver étant une période à faible risque.

Un enjeu aussi pour l’environnement
Réduire l’utilisation de vermicides permettra aussi de préserver l’environnement et notamment les populations d’insectes coprophages qui sont très affectées. En effet, ces derniers se nourrissent des crottins contaminés et en meurent. Les populations de ces insectes en constante diminution.

Face aux résistances, les scientifiques s’intéressent aussi aux plantes vermifuges
Des chercheurs australiens ont isolé 37 plantes et étudiés leurs effets sur les populations de vers. Les scientifiques espèrent cibler les composants chimiques utiles qui pourront être utilisés dans les protocoles de vermifugation. Les recherches ne font que débuter, mais sont de bonnes augures.
Une étude germanique a révélé des propriétés vermifuges dans la noix de coco et l’oignon. Sur un échantillon de 20 chevaux infestés par des vers plats et des vers ronds, les chercheurs ont élaboré deux traitements à base d’oignons pulvérisés sous forme de particules et de noix de coco en poudre.
Des analyses coprologiques ont ensuite été effectuées à plusieurs jours d’intervalle, et les résultats ont montré une très forte baisse du nombre d’œufs. Cette étude encourageante ouvre la porte à de nouveaux traitements qui permettront de lutter contre la résistance des parasites aux traitements chimiques.
Conclusion
La lutte conte les parasites internes passe désormais par la prévention en gérant principalement l’environnement du cheval.
L’utilisation de vermicide doit être raisonné afin de pouvoir prolonger l’efficacité de ces molécules. Dans le cas contraire, nous risquons d’être un jour, à cours de solutions.