Cosmétique naturelle vs cosmétique écologique : la question de l’origine des ingrédients

bl Plants d’avocatiers.

J’ai lu beaucoup d’articles et visionnés pas mal de vidéos sur la cosmétique naturelle et j’ai remarqué qu’on ne parle presque jamais de la question du « comment c’est fait et d’où ça vient ». On se félicite surtout que les ingrédients soient naturels, qu’ils sentent bons ou qu’ils aient des jolis effets sur la peau. Cela est à mon sens, une approche assez superficielle de l’écologie et de la cosmétique naturelle.

Consommer mieux, plus sain, ce n’est pas seulement remplacer nos anciens produits conventionnels par leur équivalent naturel, sinon cela revient juste à transposer nos habitudes de (sur)consommation d’un marché à un autre.

Il faut se méfier des phénomènes de mode parce que leurs répercussions se jouent à l’échelle mondiale. C’est notamment le cas de l’amande douce, l’avocat, les produits de la ruche, la noix de coco et les ressources rares en général. Ces ingrédients phares de la cosmétique naturelle peuvent cacher des méthodes de culture ou d’exploitation tout aussi problématiques que les sources synthétiques utilisées dans le marché conventionnel.

L’amande douce

L’amande douce est appréciée pour ses propriétés à soulager les peaux particulièrement sèches et abîmées.

Malheureusement, la production de cet oléagineux pose d’importants problèmes environnementaux, notamment parce que les amandiers sont extrêmement gourmands en eau.
En effet, il faut en moyenne 8 000 litres d’eau pour produire 1 seul kilo d’amandes et il faut 2 à 3 kg d’amandes pour produire un litre d’huile, soit entre 16 000 et 24 000 litres d’eau pour une simple bouteille d’huile.

Autre problème : l’amande est produite dans des régions sèches qui sont en déficits hydriques, comme la Californie, qui est l’un des plus gros producteur. Pour arroser leurs plantations, les agriculteurs sont obligés d’acheminer des camions-citernes augmentant le bilan carbone de ces exploitations.

On peut donc choisir d’utiliser cette huile avec parcimonie, soit la remplacer par de l’huile de tournesol, du beurre de karité (brut et équitable), de l’huile de noyaux de prune ou de mirabelle (ressources françaises et issues de la récupération) qui ont les mêmes vertus hydratantes, réparatrices et cicatrisantes que l’huile d’amande douce.

L’avocat

Star des sushis et Buddha bowls, la demande mondiale pour ce super-aliment a explosé ces dernières années entraînant de graves conséquences sociales et environnementales.

Pour cultiver de l’avocat, il faut beaucoup d’eau : environ 1000 litres d’eau pour 1 kilo et 10 kg de fruits pour 1 litre d’huile, soit 10 000 litres d’eau pour une bouteille d’huile.
La demande en eau est telle, que certains pays détournent l’eau des villages pour arroser les avocatiers. C’est le cas au Chili, où de plus en plus d’habitants locaux sont privés d’eau à cause de ces plantations.

L’avocat est aussi une source de déforestation : les parcelles de forêt sont incendiées pour planter des avocatiers et les plantations illégales se multiplient.

« Il y a une pratique très commune chez les propriétaires forestiers qui consiste à semer des avocatiers sous les arbres, et peu à peu, ils coupent les arbres pour laisser les avocatiers à découvert », explique à l’AFP Luis Mario Tapia Vargas, chercheur à l’Institut national de recherches forestières, agricoles et d’élevage (Inifap). (Source : RTBF)

Ce n’est pas tout, les narcotrafiquants se sont aussi emparés du business : ils menacent d’enlèvement ou de mort les cultivateurs locaux, s’emparent de leurs terres et exploitent ensuite les parcelles pour leur propre compte.

Cela fait beaucoup de raisons pour manger moins d’avocats et pour au moins, les bannir totalement de nos cosmétiques.
L’huile d’avocat peut aisément être remplacée par de l’huile d’olive ou de chanvre.

Les produits issus de l’apiculture intensive

C’est un sujet plutôt tabou et obscur dont on parle assez peu, car l’apiculture est perçue comme une pratique respectueuse de l’environnement et des abeilles. Dans les faits, c’est loin d’être la norme, car l’apiculture pratique depuis longtemps des méthodes d’élevage intensif :

  • l’insémination artificielle et l’hybridation entraînent la disparation des espèces sauvages et appauvrissent la génétique,
  • le clipage, une technique qui consiste à raccourcir les ailes de la reine afin que de réduire le rayon de butinage de l’essaim,
  • le nourrissage artificiel des abeilles : on peut ainsi récolter jusqu’à 100% du miel et nourrir l’essaim exclusivement au sucre,
  • le nourrissage artificiel de la reine pour lui faire pondre plus,
  • le picking : l’élevage artificiel de reines,
  • le remplacement de la reine au bout d’un an : on la tue et on la remplace par une plus jeune,
  • l’utilisation d’insecticides contre certains parasites,
  • les ruches très grandes pour augmenter la production de miel, mais qui ne sont pas des tailles « normales » dans un milieu sauvage,
  • les rayons en cire préfabriqués : on pense ainsi que les jeunes abeilles vont aller butiner plus vite plutôt que de participer à la construction des rayons. Cela ne laisse pas non plus le choix aux abeilles de construire leur propre structure.

Il existe plusieurs labels, mais il est difficile de les départager, certains autorisent certaines pratiques, d’autres non, parfois l’un sera plus exigeant sur un point en particulier et moins dans un autre… Bref, ce n’est pas vraiment pas simple.

Je serais partisane d’éviter les produits issus de la ruche dans les cosmétiques, déjà parce que nous ne sommes rarement sûrs de l’origine de ces ingrédients, ensuite parce que leur intérêt pour la peau est plutôt faible voire nul. En effet, la peau se nourrit d’acides gras et le miel n’en contient pas.

L’huile de coco et de coprah

Quelle est la différence entre l’huile de coprah et l’huile de coco ?

  • l’huile de coco vierge est une huile de coco pure réalisée à base de la chair fraîche du fruit,
  • l’huile de coprah est extraite des noix moches/pourries/moisies ainsi que des épluchures issues de l’extraction d’huile de coco.
    Cette huile est ensuite raffinée afin de la blanchir et de retirer sa mauvaise odeur. Le raffinage est un procédé chimique : on ne sait pas vraiment comment il est réalisé, dans quelles conditions et si les déchets sont traités.

Entre les deux, il vaut donc mieux choisir de l’huile de coco vierge.

Mais il y a deux autres problèmes liés à la consommation de coco, même pure.
Le premier est que la cueillette des noix de coco est réalisée – dans certains pays – par des singes cochons (espèce classée vulnérable) qui sont victimes de maltraitance et d’abus.

Le deuxième problème est que, malgré l’explosion de la demande mondiale, les travailleurs ne s’enrichissent pas et restent très pauvres.

Si l’on veut de l’huile de coco, mieux vaut privilégier une huile vierge, vegane et issue du commerce équitable (liste de marques dans cet article) ou se tourner vers une autre huile ou beurre végétal.

Les ressources rares

Les produits cosmétiques vantent souvent les ingrédients rares utilisés dans leurs produits et c’est tout le problème : ces ressources sont rares, elles sont donc fragiles.

La rareté et l’exotisme sont souvent les arguments marketing les plus mis en avant (même dans la cosmétique naturelle). Là où le bât blesse, c’est que l’on retrouve souvent les mêmes propriétés (hydratantes, protectrices, anti-âge…) dans d’autres ressources moins exotiques, mais surtout moins chères et plus sûres.

On peut quand même choisir des ingrédients exotiques et assez rares, à condition de se renseigner un minima sur : le statut de l’espèce exploitée (protégée ou pas), de son lieu d’origine, de son mode d’extraction et de ses répercussions économiques afin d’éviter les mêmes effets négatifs que les ingrédients précédemment cités.

Une autre solution : miser sur des ressources issues de la récupération

Nous avons vu, avec ces exemples, que naturel ne rime pas toujours avec écologie. Toutefois il y a de quoi rester optimiste, car il existe une multitude de ressources naturelles et écologiques dont une grande partie est même issue de la récupération (pépins, noyaux, amandes…). L’article est à lire ici si le sujet vous intéresse.