Émilie Boissady et El Cid

Aujourd’hui, Demivolteface ouvre les portes à un nouveau couple : Émilie et son El Cid afin de nous parler de leur rencontre, de leur parcours, de leur difficulté et surtout, de ce qui a changé depuis leur rencontre avec l’Équitation Classique.

Quel est ton parcours et comment s’est passée la rencontre avec l’Équitation Classique ?
J’ai découvert l’équitation petite, aux alentours de mes 8-9 ans, en poney-club comme beaucoup d’autres petites filles, j’ai poursuivi cette activité un peu en dents de scie, pour cause de déménagement et d’autres activités pas toujours compatibles avec un timing d’adolescente. J’ai toutefois poursuivi en club jusqu’à l’obtention du galop 4 avant de cesser définitivement à l’entrée en lycée. La pause a ainsi duré jusqu’à la fin de ma classe préparatoire (soit 5 ans au total).

C’est en entrant à l’école vétérinaire que le désir brûlant de remonter à cheval a pu être enfin assouvi. A ce moment-là, la pratique en club ne m’attirait plus vraiment. Admirative des grandes figures de la haute école et des cavaliers de dressage, je souhaitais me rapprocher de cette voie que je percevais alors comme un idéal d’équitation, avec pour finalité de devenir propriétaire et de dresser mon cheval. Toutefois je ne me doutais pas de la galère dans laquelle j’entrais, d’une part en raison de mon inexpérience et de tous les chausse-trappes de ce milieu. J’ai donc, dans cette optique, commencé à prendre des cours particuliers chez un cavalier de dressage choisi, car j’avais trouvé sa description de son approche de l’équitation tout à fait en adéquation avec ce que je recherchais : un travail sur mesure pour chaque couple cheval-cavalier, le respect de l’animal et un instructeur a priori capable de former à quelque chose qui ressemblait à de l’équitation classique (et donc de la haute école), et tout cela dans une ambiance bon-enfant. Sur le papier c’était le rêve. Tout d’abord très séduite par les premières leçons sur les chevaux mis à disposition, j’ai rapidement confié au cavalier la recherche d’un cheval pouvant me convenir, c’est ainsi que j’ai rencontré Cid et que nous avons commencé notre route ensemble. C’était alors un jeune lusitanien hongre fraîchement débourré provenant du Portugal (j’étais vraiment très ambitieuse…).

Le temps a passé et les difficultés rencontrées avec Cid n’ont fait que accroître, et ce malgré l’utilisation de divers « outils » : enrênements, éperons, muserolle bien serrée… J’avais un cheval qui me tractait en toutes circonstances, qui emballait au galop, difficile à manier sur les courbes (très, très raide). J’étais très loin de la sensation de légèreté et de fluidité que je m’étais imaginé.

Ces problèmes ont résisté à plusieurs changements d’écurie et d’instructeurs aux méthodes variées (le cheval était pourtant travaillé quotidiennement par ces différents cavaliers). Juste avant de rencontrer Isa j’en était arrivée à un point où j’étais prête à abandonner l’équitation, la réalité étant tellement loin de l’idée que je me faisais d’un couple cheval-cavalier harmonieux (cramponnée en permanence à la bouche de mon cheval, stressée par les séances à venir et le combat physique à mener, j’en étais au point où monter me faisait mal aux bras et au dos, et je faisais face au malaise d’imposer ça à un être sensible, sans pour autant parvenir à une alternative autre que de laisser Cid tranquille, poursuivant uniquement un travail à pied). Enfin beaucoup de questions et de frustrations sont nées durant cette période.

Heureusement Isa (Danne ndlr) a été LA personne, celle qui ne s’est pas contentée de belles paroles. Après m’avoir expliqué les bases de son enseignement, j’étais convaincue par la théorie mais encore méfiante en raison de mes précédentes expériences. Ainsi, n’ayant rien à perdre et plutôt séduite par le franc-parler et les démonstrations d’Isa sur ses chevaux, je lui ai confié Cid et nous nous sommes mises au travail. Les résultats ont été immédiats et spectaculaires (j’ai la malheureuse impression de faire de la pub pour une super lessive mais je ne trouve pas d’autres mots 😊). C’est ainsi que je me suis définitivement attachée à l’enseignement d’Isa mais surtout à Isa elle-même. Elle a littéralement sauvé ma relation avec Cid et permis de découvrir que l’équitation belle et plaisante ne m’étais pas inaccessible. Bien sûr nous avons toujours des moments difficiles mais cela n’a plus rien à voir.

Comment définirais-tu l’Équitation Classique ? Qu’est-ce qui a changé depuis cet enseignement ?
Je dirais que ce qui compte dans cette équitation c’est la recherche constante de la combinaison parfaite entre équilibre et impulsion, ces deux aspects étant indispensables l’un à l’autre. C’est cette combinaison maîtrisée qui mène à la décontraction du cheval et à l’expression de son plein potentiel. Cette équitation nécessite donc d’acquérir une certaine technique et une bonne posture, toutefois cela ne peut pas suffire, il faut en sus développer un véritable feeling, un sens de cet état pour pouvoir le retrouver dès qu’il est perdu. La finalité dans cette équitation n’est ainsi pas la réalisation d’un panel de figures de manège (basse ou haute école), ces dernières arrivant naturellement une fois ce principe de base maîtrisé.

Par ailleurs, loin des débats tels que la « bonne » position d’encolure à faire adopter par exemple, la force de cette équitation c’est d’être évolutive et de prendre en compte les besoins du cheval tout au long de son évolution. La finesse et la discrétion des aides sont également une finalité.

A mon sens, ce sont cette équitation et ses objectifs qui constituent l’essence de l’art équestre (la seule façon de faire du beau tout en respectant l’animal), le reste n’étant que du bricolage, ni bon pour le cavalier, ni bon pour le cheval.

Difficile d’identifier des éléments en particulier puisque c’est TOUT qui a changé depuis que nous avons pris le chemin de l’équitation classique… Il y a définitivement un avant et un après.

Qu’est-ce que tu ressens dans cette équitation ?
Je ressens enfin de l’harmonie, et j’ai parfois même quelques moments de grâce, où toutes les précédentes difficultés sont oubliées, où tout fait sens. J’arrive enfin à communiquer de façon sereine avec mon cheval (nous sommes moins parasités par mon émotionnel que je gère mieux). Nous sommes devenus ce qu’on pourrait appeler un couple plus performant et plus juste.

Quels changements as-tu vu sur ton cheval ?
Je touche enfin du doigt ce qu’on appelle la légèreté : bouche moelleuse, finesse des aides, réactivité du cheval dans le respect de la main. La musculature de Cid s’est aussi transformée (notamment au niveau du dos et de l’encolure) en parallèle de son mental : il est devenu généreux au travail. Même notre relation à pied a évolué depuis que nous avons commencé à travailler avec Isa (l’adoption d’une meilleure alimentation a également participé à ces changements).

Pour toi, que faut-il acquérir pour pratiquer cette équitation ?
Je pense qu’il faut avant toute chose être capable de se remettre en question sur ses pratiques, d’abandonner ses préjugés et pouvoir accepter les réponses même lorsqu’elles n’apparaissent pas confortables. L’humilité, sans excès, me parait ainsi nécessaire. On acquiert de cette manière la capacité à se détacher de son émotionnel afin d’adopter un regard clair et lucide sur les choses, le reste venant avec le travail technique (qui reste toutefois éprouvant).

Quels sont tes objectifs personnels avec ton cheval ?
Rien de bien précis car je n’ai pas d’ambition en termes de compétition. S’il fallait en citer un, je dirais que je souhaite continuer à progresser sur la voie de la légèreté et à me faire plaisir avec Cid, pour explorer davantage ma personnalité en tant qu’écuyère sous l’enseignement d’Isa. Le chemin est après tout intérieur.