Entretien avec l’artiste Foxa – Sara Viguié

sara foxa
Le blog est habillé depuis plusieurs années par Foxa et son œuvre « SYNESTHESIS ».

Artiste plasticienne française, Sara Vigué « Foxa » concentre son art autour de son sujet favori : le cheval, qu’elle sublime à travers diverses techniques artistiques et de nombreuses recherches historiques.

L’artiste, qui habille le blog depuis plusieurs années, m’avait consacré un entretien en décembre 2016 et nous avons décidé ensemble, de le réactualiser. 🙂

Rencontre avec Sara Vigué !

Demivolteface : Bonjour Sara, vous êtes professeure d’art, restauratrice, peintre, sculptrice et cavalière, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Sara Viguié « FOXA » : Je suis née à Paris mais j’ai passé beaucoup de temps avec ma famille dans le Tarn, au Maroc et en Normandie. Paris, c’était pour la scolarité et les études.
Plusieurs membres de ma famille ont travaillé avec des chevaux, que ce soit en maréchalerie, dans l’armée ou plus exotique, auprès des chevaux de fantasias au Maroc. J’étais sur mon premier poney vers cinq ans.

En art, on pourrait dire que je suis autodidacte mais j’ai aussi su puiser la technique auprès de maîtres lorsque j’en ai ressenti le besoin. Je n’ai pas arrêté de dessiner, de créer à l’âge où j’imagine que certains jeunes abandonnent les crayons. Je ne suis pas persuadée qu’il existe un talent mais qu’il s’agirait plutôt d’un désir de création accompagné de travail, technique et réflexif. Je pense que la sensibilité artistique est également le fruit de la somme des expériences sensorielles et cognitives de la personne.

La formation artistique sérieuse que j’ai reçue sont les cours de techniques artistiques obligatoires durant mon master en conservation-restauration du Patrimoine à Paris.
Durant mes cinq années d’études, il y a eu trois ans de modelage et de dessin technique qui m’ont permis d’affiner ce qui était déjà présent. La conservation-restauration appliquée au mobilier archéologique, qui est mon métier de base m’apporte beaucoup en termes de connaissance des matériaux et de leurs usages, que je me fais une joie de détourner à des fins artistiques.

Foxa 11« MALGVEN »
– Terre japonaise
®S.V.FOXA

Vers 2009, premières expositions, premières mises en contact avec du public, premières ventes. C’est vraiment quelque chose de particulier que de confronter sa production au regard extérieur, de savoir juger le prix de son travail, d’accepter la critique pour enrichir, continuer et stimuler la créativité.

Mes œuvres ont été exposées plusieurs fois en région parisienne, notamment à Bagatelle au Polo de Paris, au Cadre Noir mais aussi à Deauville, à Bry-sur-Marne et à la galerie Rive Mauve à Meung-sur-Loire. Il y a eu également plusieurs expositions au Haras National de Saint-Lô en Normandie.

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« HIPPOCAMPÊ II »
– Bronze 1/1 fonderie Rosini
®S.V.FOXA

Il est vrai que la crise sanitaire a mis à mal l’exposition physique des œuvres en 2020.
J’espère que les conditions permettront au public de se rendre aux prochaines expositions prévues afin de pouvoir entrer en contact avec la matérialité des œuvres autrement qu’à travers un écran.
Ma prochaine exposition se tient en Bretagne à La Gacilly cet été 2021 ! J’y expose plusieurs sculptures en bronze et en terre japonaise à La Passerelle, Office de tourisme durant l’exposition « Le cheval dans tous ses états » de Juin à septembre.

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« Equus Gorgo ou MEDUSA »
– Bronze 1/1 fonderie Rosini
®S.V.FOXA

Il y a souvent de fortes inspirations mythologiques, historiques, archéologiques dans vos œuvres et j’imagine que ce travail est issu de longues recherches. Comment cela se passe-t-il ? Comment fait-on des recherches artistiques et historiques sur le cheval ?

L’exemple le plus récent de ma démarche artistique inspirée par la culture équestre s’est illustré lors de ma dernière exposition personnelle intitulée « L’Écume des Songes » qui s’est tenue en Finistère avec le soutien de la Communauté de Commune du Pays de Landivisiau en Bretagne. C’est au sein du CIAP, centre d’interprétation des Enclos paroissiaux à Guimiliau, un très bel espace d’exposition, que mes œuvres ont été exposées durant six mois en 2019

La Bretagne est riche d’un patrimoine équestre toujours très ancré dans sa culture. Il m’a été proposé de concevoir une exposition sur ce thème. C’était un format quasiment sur-mesure pour moi, entre cheval, création, culture et recherche. J’ai pu rencontrer hommes et femmes liés à cet animal : éleveurs, membres du Groupement d’Intérêt Public du Cheval Breton et des Haras Nationaux, professionnels travaillant avec leur chevaux à la préservation des sols et des cultures ainsi que dans les forêts pour le débardage du bois et tout simplement, amoureux et propriétaires.

J’ai pu également découvrir le riche héritage des enclos paroissiaux, témoins du syncrétisme breton et d’une tradition artistique foisonnante. Ma rencontre avec le cheval breton, avec qui j’ai pu entrer en contact au détour d’un pré, d’une écurie, au bord de la mer ainsi que sur son dos au Haras National de Lamballe m’a permis d’imprégner mon esprit et mon corps d’une manière très tangible.

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« Rencontre »
– Photographie par J. Guillevic
®S.V.FOXA

J’ai ensuite rassemblé beaucoup de documentation. J’ai compilé des sources historique avec des photos d’archives de l’évolution des races équines bretonnes et de leurs ancêtres comme le bidet breton. J’ai également lu plusieurs ouvrages de contes issus de la tradition folklorique et qui sont encore bien ancré dans l’imaginaire des bretons comme l’histoire de Katell la damnée. Evidemment je suis également remontée dans les sources de la mythologie celtique à la recherche du cheval.

Foxa 7« UN CAVALIER POUR KATELL »
– Haut-relief
®S.V.FOXA

De retour dans mon atelier, j’ai alors consacré six mois de création autour de ce séjour qui ont donné naissance à 42 œuvres. Ces instants sont illustrés par le court-métrage suivant qui a été projeté en introduction de l’exposition.

Les matériaux utilisés sont très variés. Les premiers dessins et recherches stylistiques ont été réalisés à la mine graphite et aux pastels. S’en sont suivis des bronzes, des bas-reliefs, des aquarelles, des peintures huile et acrylique, jusqu’à une peinture monumentale baptisée « Les Titans Outremer », sur une toile de lin brute de 2,50 m, en référence à la forte influence du commerce du lin sur la prospérité économique ayant favorisé la construction des enclos paroissiaux. Cette toile est aujourd’hui entrée dans les collections de la Communauté de Commune et je suis vraiment très heureuse d’y laisser une trace artistique de mon passage auprès des chevaux bretons.

Foxa 10« LES TITANS OUTREMER »
– Technique mixte sur toile de lin brut
®S.V.FOXA

Le format de ce travail m’a vraiment comblée. Recherche historique, recherche sur les techniques des matériaux d’art, plongée dans l’imaginaire, le tout à la recherche du cheval. Cette approche me donne envie de faire le tour du monde équestre !

Le cheval semble une source inépuisable d’inspiration, qu’est-ce qui vous tape dans l’œil chez un cheval ? Est-ce qu’il y a des types, des morphologies, des génétiques qui vous inspirent plus que d’autres ?

Tous les chevaux m’inspirent. Toutes les morphologies. De l’étalon de grand prix au petit « cheval de rien ». Ils sont équins. Ils me fascinent pour ça.
J’aime plonger dans l’imaginaire, dans la « mystique » équine d’un point de vue artistique.

L’imaginaire peut apporter des réponses ou une exploration de questionnements que l’on a, d’un point de vue personnel ou plus largement sociétal. Mais je ne suis pas du tout attirée par une vision ou expérience ésotérique du cheval dans la vraie vie. J’aime le cheval pour le rapport au réel et au naturel qu’il instaure, bien planté sur ses quatre membres. Il me ramène à la terre, à l’organique, à la vie. À la mort aussi. Je n’ai pas besoin de lui prêter d’intentions magiques ou de pensées humaines. Je préfère lui laisser la discrétion de ses propres réflexions équines. Je l’aime pour son essence animale, et pour toutes ces choses qui font que son fonctionnement est sien. Il représente à mes yeux une altérité vivante qui me rendent l’existence plus belle quand je suis à ses côtés et je le trouve extraordinaire pour ça.

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« L’ANKOU »
– Acrylique sur toile de lin
®S.V.FOXA

Artistiquement, je n’ai pas « un style » arrêté car mes œuvres évoluent au fil du temps, de ma vie, de mes découvertes personnelles, des matériaux qui me tombent sous la main, des émotions que j’ai ressenties après telle ou telle expérience de vie. Et des chevaux que je rencontre ! Par contre je peux définir les choses qui m’inspirent et qui me donnent envie d’avancer et de créer. Il y a d’abord Théodore Géricault, peintre après duquel j’ai beaucoup travaillé durant mon enfance et dont la force romantique m’a toujours touchée, fascinée.

Foxa 4« ÉTUDE D’APRÈS GÉRICAULT ET BARYE »
– Aquarelle et pierre noire sur papier
®S.V.FOXA

Ensuite, je suis particulièrement sensible aux courants d’arts orientaux et extrême-orientaux, au dépouillement et à l’épuration des lignes. J’aime regarder toutes les formes qu’a pu revêtir le cheval depuis l’aube de l’humanité pour m’en inspirer.

Le cheval est l’élément principal de ma recherche artistique. Il est catalyseur d’émotion quel que soit le médium utilisé : la terre, le bronze, le papier, l’encre et la peinture. La spontanéité du geste est le fil conducteur du trait figurant l’animal. C’est pour cela que j’ai développé une technique personnelle empruntée aux maîtres de la calligraphie asiatique : l’art du Sumi-e.

Foxa 3« CHEVAL DE PARADE I»
– Encre de chine et aquarelle sur papier
®S.V.FOXA

Il s’agit d’un travail sur le trait juste, immédiat, sans dessin préparatoire ni modèle, où l’on s’appuie sur une connaissance quasiment intuitive de la forme équine et sur la relaxation et la respiration. C’est devenu une sorte de calligraphie autour de la forme équine que j’aime beaucoup pratiquer.

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« CALLIGRAPHIE EQUESTRE»
– Encre sur papier
®S.V.FOXA

Avec mes chevaux d’art j’aime voyager à travers différentes thématiques chères à mon cœur : la genèse du monde, la nature, les différentes mythologies et enfin les différentes cultures équestres, avec un intérêt particulier pour les chevaux asiatiques des dynasties Wei et Tang et pour les chevaux baroques, lusitaniens et andalous.

Finesse et rondeur, c’est ce que j’apprécie de trouver lorsque je regarde un cheval se mouvoir, lorsque je regarde un danseur ou une danseuse sur scène. Je me nourris de ces observations pour ensuite tenter de les restituer sur le papier ou en volume. J’aime parfois travailler dans l’extrême détail, à la manière des miniaturistes persans comme pour « Raksh jouant avec le Simurgh » .

Foxa 1« RAKSH JOUANT AVEC LE SIMURGH »
– Technique mixte et dorure sur papier marbré
®S.V.FOXA

Et parfois, je travaille la brusquerie, un pinceau sombre, une brosse, des aplats de couleurs brutes, un format de toile beaucoup plus large, des angles et des contrastes plus francs, comme sur la toile nommée « La rêveuse » où l’accent est mis sur l’expressionnisme du corps qu’il soit humain ou équin.

Foxa 9« LA RÊVEUSE »
– Acrylique sur papier tendu sur châssis
®S.V.FOXA

Je n’ai jamais su vivre sans créer. C’est sûrement l’amour de la vie qui s’exprime dans cet élan, celui des forces de la nature dont le cheval fait éminemment partie.
C’est un désir, un besoin de sublimation de cet animal qui me pousse à créer autour et sur lui.
En réalité, je me fais énormément plaisir en créant. C’est toujours une naissance agréable que celle d’une œuvre, jamais une contrainte, même si parfois, certains œuvres résistent un peu en raison de leur caractère technique. Je travaille dans la légèreté même si je suis très sérieuse et soucieuse du détail et des finitions !

De prochains projets ?

J’étudie actuellement un projet de travail similaire à mon approche du cheval breton mais qui concerne cette fois la présence du cheval barbe et arabe dans la culture et le territoire marocain, projet qui aboutira je l’espère à la création d’une exposition d’œuvres aussi diverses en technique qu’en expression. Je souhaiterai sillonner les lieux où s’illustre la présence du cheval au Maroc à travers les Haras Royaux, les élevages, les fantasias. Je souhaite débusquer sa présence dans l’histoire de l’art marocain mais aussi sa représentation fantasmée chez les orientalistes français. Mais cela va me prendre du temps et je dois attendre que les conditions sanitaires soient meilleures pour pouvoir me déplacer.
Et puis pour cela il faut trouver également les bons interlocuteurs. C’est très motivant !

Foxa 6
« MACEDONIEN »
Bronze 1/8 Fonderie Rosini
®S.V.FOXA

Enfin, plus simplement, le fait de produire un travail qui plaît à quelques personnes est déjà une fierté et je suis heureuse d’être toujours en recherche et de proposer un art en constante évolution. J’aime mettre à la disposition des gens qui comme moi, sont irrésistiblement attirés par la plastique et la charge artistique du cheval. J’essaye de capter le plaisir ressenti lorsque l’on regarde un beau cheval afin de le transposer sur une toile ou en volume et de lui donner ainsi un petit moment d’éternité.

Merci Sara pour ce partage enrichissant !

J’espère que cet entretien a pu vous faire découvrir ou redécouvrir le travail d’une artiste de talent. 🙂 Si vous voulez en savoir plus ou même acquérir une œuvre de Foxa, vous pouvez vous rendre par ici : conservationarts.wixsite.com