Parmi les figures de la nutrition équine, il y a le Dr Eleanor Kellon, une nutritionniste-chercheuse américaine qui gère notamment le Equine Cushing’s and Insulin Resistance Group, un groupe de travail sur la maladie de Cushing et le Syndrome Métabolique Équin (SME). Elle est également vétérinaire consultante chez Uckele Health and Nutrition.
Il faut donc retenir que l’un des sujets de prédilection du Dr Kellon c’est l’insulinorésistance chez le cheval.
Fer et insulinorésistance : les recherches du Dr Kellon
En 2019, le Dr Kellon a réalisé une étude (en collaboration avec le Dr Kathleen M. Gustafson) qui a fait beaucoup de bruit dont je partage ici la conclusion :
Ces résultats suggèrent la possibilité d’une surcharge en fer chez les chevaux hyperinsulinémiques, une caractéristique documentée chez d’autres espèces, et devraient stimuler des études supplémentaires sur la relation entre l’insuline et le dérèglement du fer chez le cheval.
Chez l’Homme et d’autres espèces (comme le rhinocéros), les études semblent indiquer un lien entre hyperferritinémie et syndrome métabolique qualifiée alors d’hyperferritinémie métabolique.
Les travaux du Dr Kellon montrent que les chevaux atteints de SME sont également atteints d’hyperferritinémie.
L’étude qui contredit cette théorie
Une étude menée sur des chevaux de course a quant à elle, montré qu’il n’y a pas de lien entre insulinorésistance et supplémentation en fer.
Or, cette étude a été réalisée sur des pur-sangs anglais qui sont génétiquement peu exposés au risque d’insulinorésistance puisque dans les causes principales du syndrome métabolique il y a la prédisposition génétique. Du coup, étudier une seule race de chevaux génétiquement peu affectée et conclure que :
Bien que certains nutritionnistes équins suggèrent que l’excès de fer alimentaire peut être un facteur contribuant au développement de la résistance à l’insuline (RI), aucun des pur-sangs de l’entraîneur n’a présenté de cas de IR. Étant donné l’excès de fer fourni aux chevaux dans cette étude, il est peu probable que le fer alimentaire soit un facteur causal indépendant de la résistance à l’insuline.
Cela semble un peu biaisé.
On dira que cela fait parti du « jeu » des études scientifiques ce qui d’ailleurs, l’occasion d’intégrer une vidéo sur le sujet.
Cause ou conséquence ?
La ferritine est la principale protéine intracellulaire de stockage du fer et constitue un biomarqueur des réserves de fer.
Cependant, on ne sait pas encore si l’hyperferritinémie est une cause ou conséquence du syndrome métabolique. Chez l’Homme, certaines études semblent indiquer que l’hyperferritinémie pourrait être un marqueur prédictif du syndrome métabolique, mais ce n’est pas encore une conclusion certaine.
Chez le cheval, on ne sait pas non plus si l’hyperferritinémie est une conséquence ou une cause d’un syndrome métabolique. Mais on sait en revanche, que son alimentation contient du fer en quantité, car en moyenne, seulement 3-5 kg de foin de prairie suffisent à couvrir ses besoins journaliers.
Conclusion
Les études établissent un lien entre hyperferritinémie et syndrome métabolique, mais elles n’ont pas encore déterminer s’il s’agit d’un facteur prédictif ou d’une conséquence de la maladie.
Ce dont on est certain, c’est que le syndrome métabolique est causé par deux principaux facteurs : une prédisposition génétique et des pics de glycémie répétés.
Si on en reste aux éléments factuels, on sait que la carence en fer est rare chez le cheval. D’ailleurs, l’anémie est principalement causée par une carence en cuivre et non une carence en fer comme chez l’Homme. Cela est notamment dû au fait que les apports en cuivre (et zinc) sont insuffisants dans les fourrages. En effet, fer, cuivre et zinc (ainsi que le manganèse) fonctionnent ensemble, mais pour qu’il n’y ait pas d’interactions négatives entre ces oligoéléments, il faut un certain équilibre (un des rations idéal étant de 4:1:3 ; Fer:Cu:Zinc), raison pour laquelle il faut quasi systématiquement complémenter les chevaux en cuivre et zinc pour contrebalancer l’excès de fer (naturellement présente dans la ration).
Pour en revenir à la problématique du syndrome métabolique, malgré qu’il n’y ait pas encore de consensus, certains nutritionnistes comme le Dr Kellon (spécialisée dans la pathologie du SME) conseillent d’éviter la sur-complémentation en fer chez le cheval, surtout pour les profils à risque ou en cas d’IR. On peut donc appliquer une sorte de principe de précaution.
Les taux de fer moyens en mg/kg (matière sèche)
Pour donner quelques éléments supplémentaires, voici les valeurs moyennes de certains ingrédients de nos rations. Vous pouvez retrouver ces informations sur les tables INRAE-CIRAD-AFZ.
- Graines de lin : 164 mg/kg (102 mg/kg selon la CIQUAL)
- Graine de soja : 82 mg/kg (157 mg/kg selon la CIQUAL
- Graines de tournesol : 64 mg/kg (59 mg/kg selon la CIQUAL)
- Luzerne : 450 mg/kg
- Paille de blé : 167 mg/kg
- Pois : 108 mg/kg
- Pulpe de betterave : 679 mg/kg
- Son de blé : 165 mg/kg
Autres valeurs selon les informations de la CIQUAL :
- gingembre 198 mg/kg
- thym séché : 1240 mg/kg
- spiruline 285 mg/kg
Les algues sont aussi des sources élevées en fer.
Pour aller plus loin
- Faut-il ajouter du fer dans la ration du cheval ?
- Iron, Insulin and Laminitis – Dr Eleanor Kellon
- Be Cautious With Iron – Dr Eleanor Kellon